Notre paroisse
L’église « Maria am Gestade » , Notre-Dame du Rivage
Depuis 1995 la communauté francophone a la chance de pouvoir se retrouver chaque semaine pour la messe dominicale dans la très belle église de Maria am Gestade , dans le premier arrondissement de Vienne.
Après la cathédrale Saint-Étienne, Notre-Dame du Rivage est le plus bel édifice gothique de Vienne et son plus ancien sanctuaire marial. Au cœur de la ville, c’est aussi, on le sait moins, un lieu de pèlerinage,
puisque les restes de Saint Clément Hofbauer, patron de la ville de Vienne, y sont conservés.
L’église des bateliers du Danube
Certes, la physionomie des lieux a beaucoup changé avec l’aménagement du canal du Danube au XIXème siècle et les aménagements urbains qui ont suivi, mais Maria am Gestade, anciennement « Unsere liebe Frau auf der G’stetten » ( Notre-Dame du Rivage), a gardé dans son nom le souvenir de sa situation d’origine lorsqu’elle surplombait à pic le bras principal du Danube ainsi que le ruisseau d’Ottakring. Les bateliers utilisaient sa pointe comme repère pour la navigation et Maria am Gestade demeura jusqu’à la seconde moitié du XVème siècle un lieu de pèlerinage pour les bateliers.
Une histoire mouvementée
Situé contre le mur de la ville à proximité immédiate de l’une de ses portes, le sanctuaire se trouva doublement exposé au cours de son histoire : ni les incendies qui ont ravagé la ville ni les attaques extérieures ne l’ont épargné, sans compter les multiples changements de propriétaires qui en compliquent encore l’histoire.
Parce que les murailles de la ville furent d’abord celles du camp romain – des restes ont d’ailleurs été découverts à proximité de l’église -, il n’est pas impossible que la première chapelle chrétienne ait été construite sur le site d’un sanctuaire romain.
La tradition fait en tout cas remonter à 880 la fondation du sanctuaire chrétien : l’évêque de Passau, Madalvin, aurait confié au moine Alfried le soin d’ériger un petit édifice religieux. Celui-ci devient par la suite propriété des moines écossais et irlandais peu après la fondation par ces derniers de la Schottenkirche en 1158. C’est alors qu’il est pour la première fois fait mention d’une « chapelle » sur le site de l’église actuelle.
Mais en 1262 l’incendie qui ravage Vienne n’épargne pas l’édifice, qui est reconstruit une dizaine d’années plus tard.
Du gothique rayonnant au gothique flamboyant : deux édifices en un
Lorsque l’on observe bien l’édifice actuel – et c’est particulièrement net si l’on se tient dans la nef -, on remarque aisément que celui-ci est en réalité constitué de deux éléments presque distincts : le chœur, d’une taille particulièrement importante rapportée à l’ensemble de l’église et la nef, construite un peu plus tard dans le style gothique tardif ou « flamboyant ». Pour des raisons liées à la topographie, la ne n’est pas tout à fait dans l’axe du chœur. A la jonction entre ces deux parties de l’église, le clocher heptagonal est lui aussi de style gothique flamboyant.
Autour de 1330, la chapelle passe au main de la famille von Greif, qui entreprend la reconstruction complète du chœur, avec l’idée, semble-t-il, d’en faire un caveau familial. Le style retenu est celui qui domine en France depuis un siècle : le style gothique dit « rayonnant » qui a trouvé une très belle illustration dans la Sainte Chapelle à Paris. Avec le style « rayonnant » la pierre s’efface devant le verre pour faire passer la lumière et les verrières deviennent l’élément central de l’édifice religieux. Les quatre superbes verrières que l’on peut encore admirer dans l’abside de Maria am Gestade ont été reconstituées à partir d’éléments originaux des XIV et XVème siècles.
Autres joyaux du chœur : les deux panneaux peints, œuvres anonymes de 1460, représentant le Couronnement de Marie, à droite de l’autel et l’Annonciation, à gauche. Sur l’autre face du premier panneau, on trouve une représentation de la Crucifixion et sur le second, du Mont des Oliviers. L’influence flamande est sensible, notamment dans la représentation des étoffes et la richesse des coloris. On notera la nuée d’anges, chacun différenciés et dotés d’une très grande grâce, à la manière allemande, certains pratiquant un instrument de musique, d’autres tout simplement occupés à porter la robe de Marie ou à en rectifier un pli.
Le chœur est achevé en 1367 ; la tour, elle, n’en est qu’à ses commencements lorsque, en 1391, l’église change une fois de plus de propriétaire. Le nouveau maître des lieux, le Freiherr (baron) Hans von Liechtenstein-Nikolsburg, souhaite donner au sanctuaire une importance qu’il n’avait pas encore acquise et choisit pour cela un architecte renommé : Michael Knab, dit Maître Michael.
Michael Knab est l’architecte attitré du duc Albrecht III pour lequel il a dessiné les plan du château de Laxenburg (« vieux château »). Il est aussi l’architecte de la Tour Sud de la cathédrale Sainte-Étienne. C’est donc un architecte déjà expérimenté que le baron de Nikolsburg a choisi pour dessiner les plans de la nouvelle nef de Maria am Gestade en remplacement de l’ancien bâtiment de 1276 et pour poursuivre l’édification de la tour.
Les contraintes qui s’imposent à l’architecte sont nombreuses et l’ambition du baron peut sembler disproportionnée lorsqu’on la rapporte à l’exiguïté du lieu : le côté Sud de la rue de Passau est déjà construit et l’escarpement au Nord et à l’Ouest limite l’espace constructible. Non seulement la nef ne pourra pas être plus longue que le chœur (l’une et l’autre parties de l’édifice sont de taille égale) mais elle devra même être plus étroite que celui-ci. À cela s’ajoute le caractère accidenté du terrain où l’on doit tenir compte des restes de muraille romaine ainsi que la nécessité d’opérer un coude pour agrandir l’église. Le choix qui a été fait a consisté à compenser en hauteur ce qui manquait en largeur : d’où le caractère étonnant des proportions de l’église encore accentué par sa situation surplomb, puisque la nef s’élève à 33 mètres de hauteur pour une largeur de seulement 9.7 mètres.
La construction de la nef s’est étendue de 1394 à 1414 tandis que l’érection du clocher heptagonal se poursuit. Le chiffre sept correspond aux sept douleurs de Marie (1.La prophétie du saint vieillard Siméon. 2. La fuite en Egypte. 3. La disparition de Jésus au Temple pendant trois jours. 4. La rencontre de Jésus portant Sa croix et montant au Calvaire. 5. Marie debout au pied de la croix. 6. La descente de Jésus de la croix et la remise à Sa Mère. 7. L’ensevelissement de Jésus dans le sépulcre.). Le clocher est surmonté d’une flèche de pierre ajourée, véritable chef d’œuvre du gothique flamboyant en Autriche, achevée en 1417.
On admirera dans le chœur et la nef, adossées aux piliers dans la partie droite de la nef près de la chapelle Saint-Clément, de gracieuses statues, parmi lesquelles celle de l’archange Gabriel et une statue de Marie, belles pièces de la statuaire médiévale (autour de 1350). On remarquera également les reliefs du portail d’entrée dans le chœur (rue de Passau) représentant la Vierge protectrice et le couronnement de Marie. Le tympan du portail Ouest (celui que l’on voit lorsque l’on arrive par le grand escalier) présente les deux Jean et est surmonté d’un baldaquin de pierre dont la pointe renvoit à celle qui surmonte la dentelle de pierre du clocher, contribuant ainsi à l’unité architectural de l’édifice.
D’une Renaissance à l’autre…
La paroisse reste prospère après la fin du Moyen Âge comme en témoigne la présence, exceptionnelle à Vienne, d’éléments de style Renaissance dans l’église. On peut en effet toujours admirer le superbe buffet d’orgue de 1515 et, dans une chapelle attenante à l’église, un précieux petit autel de pierre richement orné, de 1520, portant le nom de son commanditaire, Johann Perger.
En 1683, le siège de Vienne par les Turcs n’épargne pas l’église dont le clocher est reconstruit cinq ans plus tard.
Maria am Gestade, qui est revenue à l’évêché de Passau en 1409, reste propriété des princes-évêques de Passau jusqu’en 1784, jouissant jusque là d’un statut d’ « exterritorialité », si l’on peut dire, par rapport au diocèse de Vienne. Avec la sécularisation de l’ancienne principauté ecclésiastique de Passau par Joseph II, Maria am Gestade devient propriété de l’Etat autrichien (Fond religieux). Délabrée, transformée en entrepôt, l’église est menacée dans son existence même. Le roi-philosophe songe à sa destruction ; le coût d’une telle opération l’en dissuade finalement.
Pendant les guerres napoléoniennes, l’église sert d’écurie et de magasin militaire à l’occupant.
C’est finalement l’empereur François I qui rend l’église au culte et la confie aux Rédemptoristes en 1820.
L’église fait alors l’objet d’importants travaux qui se poursuivront jusqu’au premier tiers du XXème siècle. Le chœur est doté d’un important maître-autel néo-gothique intégrant quelques éléments d’inspiration baroque. Les mosaïques et les statues qui surplombent le portail ouest (au somment des marches) datent de cette même époque.
Le bras du Danube a été fixé par un canal, les rives ont été construites : l’environnement de l’église a bien changé et la construction d’un grand escalier apporte une touche supplémentaire de romantisme à une époque où l’on redécouvre l’héritage médiéval.
Saint Clément Marie Hofbauer et les Rédemptoristes
Ce n’est pas la moindre surprise réservée par la visite de Maria am Gestade que d’y découvrir qu’elle abrite les restes de Saint Clément Hofbauer… patron de la ville de Vienne.
L’ordre des Rédemptoristes a été fondé en 1732 près de Naples par Alfonse de Liguori pour «annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. » L’ordre compte aujourd’hui 6000 membres dans le monde et Saint Clément Marie Hofbauer a joué un rôle important dans cette diffusion de l’influence des Rédemptoristes hors d’Italie.
Né en Moravie (Tchéquie) en 1751 d’une mère allemande et d’un père tchèque, Jean (qui deviendra Clément) Hofenbauer apprit le métier de boulangerie qu’il exerça d’abord à Vienne où il entreprit des études de théologie. Lors d’un séjour à Rome, il fait la connaissance des Rédemptoristes et devient avec son ami Thaddäus Hübl le premier Rédemptoriste allemand.
Le joséphisme interdisant une implantation de la congrégation à Vienne, Clément Hofbauer s’établit à Varsovie d’où l’ordre fut cette fois chassé par Napoléon, en 1808. De retour à Vienne, il se mit au service des pauvres tout en jouant un rôle important dans les milieux influents de la capitale impériale, notamment au sein des milieux littéraires avec le cercle romantique. « Saint Clément Marie Hofbauer […] a déclaré avec force que l’Évangile devait être à nouveau annoncé à notre temps », a rappelé le Cardinal Schönborn.
Clément Marie mourut le 15 mars 1820 et ses reliques se trouvent à Maria am Gestade depuis 1862.
La chapelle Saint-Clément se trouve sur le côté droit de la nef : une œuvre contemporaine d’Oskar Höfinger en marbre de Carinthie (1987) entoure le reliquaire. La chapelle présente aussi une belle représentation de l’Epiphanie du milieu du XVème siècle.
Les liens établis entre Maria am Gestade et la communauté tchèque sont plus anciens que le transfert des reliques de Saint Clément : en effet, l’installation de l’ordre des Rédemptoristes dans cette église avait pour contrepartie le soutien des Frères à la communauté tchèque de Vienne, alors en forte expansion. Aujourd’hui encore, la messe dominicale de 8 h 30 est dite en langue tchèque.
En souvenir du premier métier de « l’apôtre de Vienne », des petits pains sont distribués chaque 15 mars, jour de la fête du saint patron, à la sortie de la messe.
Pour en savoir plus :
Bandion, Wolfgang : Steinerne Zeugen des Gaubens. Die heiligen Stätten der Stadt Wien. Wien, 1989. pp. 42-46.
Joseph Heinzmann : Clément Marie Hofbauer – Une nouvelle évangélisation. Téqui.